• Beaudelaire et moi version 2

    Une silhouette frêle et fragile déambulait le long de la rue de Crimée. Tantôt marchant tantôt courant derrière son ombre dans un jeu solitaire et innocent. 8 ans, déjà fugueur il s'en allait vers l'inconnu  à la quête d'une liberté longtemps souhaitée.
    Il avait toujours aimé les rues sinueuse de paris, ses bâtisses vieilles et coquettes, ses églises imposantes et mystérieuses.
    Au coin d'une rue, il déboucha sur un square qu'il n'avait jamais connu auparavant. Frais et ombragé, bordé de longs Platanes d'Orient dont les feuilles, murmuraient des mélodies au grès d'une fraiche brise matinale.
    Il n'avait pas beaucoup marché mais il avait l'impression d'être déjà arrivé à l'autre bout du monde. Il s'assit sur un banc et commençait à réfléchir sur le bien fondé de son expédition.
    Il vit, non loin,  un enfant, du même âge que lui, lui faisant des signes de s'approcher, un autre petit garçon était accroupi les yeux grands ouverts de surprise et d'émerveillement.
    Au pied d'un arbre, gisait une quantité impressionnante de jouets de toutes sortes, des animaux, des soldats, des voitures... plus qu'il n'en fallait pour peupler leurs rêves fertiles d'enfants. 
    Ils jouèrent longtemps, plongés dans un monde imaginaire et féerique, parcourant le petit parc d'un bout à l'autre, oubliant du coup tout ce qui les entourait.
    Quand il fut temps de partir ils se remplirent les poches de jouets et se donnèrent rendez vous pour le lendemain, même heure même endroit, tant d'aventures les attendaient...
    Quelques années plus tard
    De gros nuages gris et menaçants se rapprochaient d'Alger grondant et mugissant tel des fauves. Une fine pluie, a peine visible, rappelait aux  trainards qu'il fallait presser le pas. Au milieu de la table qu'il avait choisie un livre trônait : Petits poèmes en prose de Charles Baudelaire.
    Il l'avait acheté quelques minutes auparavant, séduit par quelques passages lu au hasard des pages.
    Il l'ouvrit de nouveau et ne put s'empêcher de revenir sur ce titre qui l'avait tant accroché : Le joujou du pauvre :
    Je veux donner l'idée d'un divertissement innocent. Il y a si peu d'amusements qui ne soient pas coupables! Quand vous sortirez le matin avec l'intention décidée de flâner sur les grandes routes, remplissez vos poches de petites inventions à un sol, - telles que le polichinelle plat mû par un seul fil, les forgerons qui battent l'enclume, le cavalier et son cheval dont la queue est un sifflet, - et le long des cabarets, au pied des arbres, faites-en hommage aux enfants inconnus et pauvres que vous rencontrerez. Vous verrez leurs yeux s'agrandir démesurément. D'abord ils n'oseront pas prendre; ils douteront de leur bonheur. Puis leurs mains agripperont vivement le cadeau, et ils s'enfuiront comme font les chats qui vont manger loin de vous le morceau que vous leur avez donné, ayant appris à se défier de l'homme.


    Des images d'une autre vie lui revenaient comme dans un rêve. Il revoyait Paris et ses ruelles, les visages de ses compagnons de jeu, le parc, théâtre grandiose de leurs rêveries, les jouets brillants et multicolores au pied de l'arbre, la joie et le bonheur partagés, les éclats de rires francs et contagieux... Il en avait les larmes aux yeux, car  tout cela était l'œuvre d'une personne inconnue, cachée non loin de là partageant leur jeu et leur joie. Combien de fois était elle venue les voir jouer, combien de sourires, complices et réconfortants leur avait elle adressé.
    Et ce Baudelaire, rebelle et humain, artisan complice de leur emerveillement....

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